Stationnement payant à Châtillon : trente ans de blocage, vingt ans de silence
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Un contrat mal négocié devenu un véritable scandale local
Châtillon (Hauts-de-Seine) – Derrière les horodateurs et les abonnements, se cache une histoire de contrats, d’avenants et de millions d’euros. Depuis plus de vingt ans, la ville vit sous le poids d’un accord signé en 1999 avec un opérateur privé, un contrat si déséquilibré qu’il ligote encore la commune jusqu’en 2030.
1999 : un contrat de délégation à long terme
À la fin des années 1990, la ville signe une délégation de service public (DSP) de trente ans pour la gestion du parking souterrain du centre-ville, près du métro, et du stationnement payant en surface.
L’objectif : assurer un équilibre financier entre le parking souterrain qui doit être construit et les places en surface.
Mais selon les termes du contrat, la durée de trente ans ne démarre qu’à partir du moment où 700 places de stationnement payantes sont mises à disposition.
Problème : ces places ne verront jamais le jour avant… 2019.
Pendant près de deux décennies, le contrat est ni suivi, ni renégocié, ni contrôlé, malgré plusieurs alertes de la Chambre régionale des comptes (CRC) dès 2005. Celle-ci dénonçait déjà une durée excessive et des clauses de sortie financièrement ruineuses pour la commune.
2017 : la facture explose, la ville acculée
En 2017, la situation devient intenable. Le délégataire réclame plus de 3,6 millions d’euros à la ville pour compenser les pertes accumulées depuis 1999.
Pour éviter de payer cette somme colossale, la municipalité deJean-Pierre Schosteck signe un avenant portant le nombre de places payantes à 862, assorti d’une pénalité de 800 000 € à régler en fin de contrat.
Cet avenant ne sera jamais appliqué.
Quelques mois plus tard, un nouvel avenant, fin 2017, fixe 1 444 places payantes et réduit la pénalité à 600 000 €, mais sans réflexion d’ensemble sur la mobilité et l’organisation de la ville. .
Le texte est rejeté par le Conseil municipal.
2018 : la mise en place du stationnement payant
En juin 2018, un troisième avenant est présenté et adopté. Il définit la géographie du stationnement telle qu’on la connaît encore aujourd’hui :
- Zone rouge : 30 minutes gratuites une fois par jour, sans abonnement.
- Zone verte : abonnement possible, mais sans gratuité.
- Zone orange : parking souterrain du centre-ville età coté de laSociété générale avenue de Paris.
Le nombre total de places est fixé à 1 363. Le contrat prévoit également que toute place supprimée (pour créer une place PMR ou un arceau vélo, par exemple) doit être compensée ailleurs.
Le 1er janvier 2019, le stationnement payant devient réalité.
Aucune concertation préalable n’a été menée avec les habitants.
« Ce n’est pas la ville qui l’a choisi, mais une obligation héritée d’un contrat mal ficelé », explique aujourd’hui un élu.
2020 : la nouvelle municipalité découvre un contrat verrouillé
En 2020, la nouvelle équipe municipale lance un audit juridique et financier. Le verdict est sans appel :
Le contrat est verrouillé jusqu’en 2030, et une sortie anticipée entrainerait un risque de plusieurs millions d’euros à la commune.
Les redevances de stationnement vont intégralement au délégataire privé, la ville ne percevant que :
- Les Forfaits Post-Stationnement (FPS) ;
- Et 50 % des bénéfices nets du contrat (des montants jugés modestes).
« Nous n’avons pas les mains libres. Ce contrat a été mal négocié, mal suivi, et il nous lie jusqu’à 2030 », confie un élu de la majorité actuelle.
2022-2030 : retoucher, sans pouvoir reconstruire
En 2022, la ville parvient à négocier quelques aménagements, notamment la gratuité totale pour les professions médicales et paramédicales.
Mais les marges de manœuvre sont faibles : toute modification doit être validée par le délégataire, qui n’y est pas obligé.
La mairie a lancé la même année un Plan Global de Déplacement pour repenser les mobilités, réduire la dépendance automobile et préparer la fin du contrat.
Mais d’ici 2030, le système reste bloqué.
Un scandale local et une leçon politique
Ce dossier est devenu un symbole des dérives de la gestion publique des années 2000, quand des communes signaient à la hâte des contrats de concession sur plusieurs décennies, sans contrôle ni stratégie.
À Châtillon, le résultat est amer :
- Une ville contrainte de maintenir plus de 1 200 places payantes ;
- Un partenaire privé tout-puissant ;
- Et des finances locales durablement affectées.
Repères
- 1999 : signature du contrat de délégation pour 30 ans.
- 2005 : première alerte de la Chambre régionale des comptes.
- 2017-2018 : trois avenants successifs pour éviter un déficit de 3,6 M€.
- 1er janvier 2019 : stationnement payant généralisé.
- 2020 : arrivée de la nouvelle équipe municipale et audit du contrat.
- 2022 : premiers ajustements et Plan Global de Déplacement.
- 2030 : fin du contrat.
