Je n’ai pas l’habitude de m’exprimer sur les réseaux sociaux, je crois pouvoir dire que ma parole y est rare, mais il m’a semblé, au lendemain du 1er tour de l’élection présidentielle que cela valait le coup de me faire violence.
En 2002, j’avais 18 ans, 20 ans après j’en ai donc 38.
Qu’est ce qui a changé dans notre société ? Beaucoup de choses indéniablement. Je ne vais pas ici développer des concepts qui ont été dits de manière bien plus brillante. Mais oui la société a changé : plus d’individualisme, plus d’immédiateté, moins de repères, moins de corps intermédiaires… Les réseaux sociaux ont de ce point de vue fortement participer à cette évolution.
Qu’est ce qui a changé pour moi ? J’avais 18 ans, j’étais déjà un militant de gauche et mon 2eme vote dans ma vie avait donc été pour Jacques Chirac (avec un certain dégout à l’époque). Mais je n’avais toutefois pas hésité : le fameux choc du 21 avril.
Aujourd’hui j’ai 38 ans et 2 enfants. Je suis toujours un militant de gauche, j’ai voté Anne Hidalgo au 1er tour (et oui c’est moi 😊 ) et je n’ai aucun doute sur le fait que je voterai pour Emmanuel Macron pour faire barrage à Marine Le Pen. Pas que j’apprécie plus le Président sortant que celui de l’époque, mais simplement j’ai muri, j’ai grandi et j’ai appris à faire la part des choses.
Je suis atterré d’entendre ici et là que ce duel de second tour ce serait « la peste ou le choléra » et que les deux candidats sont pour certains renvoyés dos à dos. Il me semble qu’il s’agit d’un véritable manque de culture historique, politique et citoyenne.
La situation politique de notre pays est déplorable mais elle est loin d’être un phénomène franco-français. Partout en Europe et dans le monde, les populistes et les xénophobes progressent voire arrivent au pouvoir. Ils progressent notamment en raison de mécanismes bien documentés qui sont notamment la perte de repères et la peur du déclassement qui entraine lui-même la peur et le rejet de l’autre…
J’entends des citoyens et même des militants expliquer que PLUS JAMAIS ils ne voteront utiles et notamment qu’ils refusent de voter à nouveau Macron qui serait quasi pire que Le Pen.
Je trouve cela très révélateur de l’instant et de l’état de la société où plus personne ne peut débattre sans s’invectiver. On rejette catégoriquement celui qui ne pense pas comme nous. Pourtant faire société c’est échanger, c’est trouver un destin commun et c’est faire des compromis.
Mais dans une démocratie aussi fragmentée que la nôtre, le 2eme tour c’est forcément un choix de raison. Puisqu’aucun candidat n’est capable de faire 50% + 1 voix au premier tour, il y a forcément un choix de raison à faire au second.
Evidemment Macron porte une part de responsabilité sur la situation aujourd’hui, par sa politique, par ses prises de paroles, par son débauchage permanent qui a détruit l’idée même de gauche et de droite, par son refus de débattre et par ce qui m’horripile chez lui, un certain mépris de classe qui a opposé les citoyens plutôt que rassembler. Mais en toute honnêteté intellectuelle il est faux de dire qu’il serait l’unique responsable de ce qui arrive en ce moment tant c’est la conséquence de très nombreuses responsabilités y compris de ma famille politique. J’assume donc ma part de responsabilité en tant que militant et un temps responsable politique. Je ne crois pas que les socialistes au pouvoir ont démontré une très belle image et encouragé les citoyens à croire en nous. Je ne crois pas que nous ayons été capables de répondre aux problématiques des français et de porter un projet de société suffisamment crédible et clair.
Personnellement je n’ai aucun doute sur ce que je dois faire le 24 avril. Pour que mon pays ait un avenir, pour que mes enfants puissent grandir dans une démocratie, j’irai voter pour faire barrage au Rassemblement national, j’irais voter pour Emmanuel Macron.
Voter le 24 avril ne veut pas dire soutenir, je suis disponible avec toutes les bonnes volontés pour reconstruire une gauche. Mais cette reconstruction elle sera difficile voire impossible dans un état totalitaire.
A ceux qui croient que la démocratie est acquise, je leur dis qu’ils sont bien naïfs. La démocratie est un concept bien récent dans l’histoire de l’humanité et l’histoire autant que l’actualité nous démontrent chaque jour qu’elle n’est ni naturelle ni acquise.
A ceux qui croient que Marine Le Pen ne pourra pas gouverner et n’aura pas de majorité à l’issue des élections législatives, je leur dis qu’ils disaient déjà cela de Macron. Si 50%+1 des français sont prêts à voter pour elle, ils lui donneront une majorité. Et nous serions bien stupides de lui opposer un « front républicain » qui ne ferait que démontrer qu’elle avait raison : il y aurait elle d’un côté et le système de l’autre.
A ceux qui pensent que les contre-pouvoirs permettront de préserver la démocratie je leur dis que cela prendra 1, 2, 5 ou 10 ans mais qu’elle les anéantira à la fin comme en Hongrie.
A ceux qui croient qu’un petit tour de le Pen au pouvoir cela sera bien fait pour… je ne sais pas pour qui d’ailleurs, je leur dis que c’est une erreur historique qu’ils regretteront amèrement mais qu’il sera trop tard.
A ceux qui pensent ne rien risquer dans cette folie, je leur demande de penser aux femmes, aux homosexuels, aux étrangers, aux personnes tout simplement d’origine étrangère… bref à toutes celles et tous ceux qui sont détestés par les personnes autour de Marine le Pen et dont leurs droits seront restreints.
A ceux qui trouvent que Marine le Pen c’est la nouvelle droite et qu’elle est moins pire que Zemmour, je dis que ce sont les mêmes idées avec 2 stratégies différentes : la dédiabolisation d’un côté, le clash permanent de l’autre.
Personnellement, je sais faire la différence entre les héritiers du fascisme et des adversaires politiques qui certes ne pensent pas comme moi mais qui ne mettent pas en danger l’avenir de mes enfants, celui de notre pays et même celui de l’Europe.
Vous n’êtes pas d’accord avec Macron, vous voulez le battre et faire gagner la gauche demain ? Et bien je suis avec vous, je suis prêt à y mettre toute mon énergie. Mais je ne jouerai pas l’avenir de la France sur une aigreur individualiste. Avec Macron je sais que je pourrai manifester, je sais que je pourrai librement m’exprimer, je sais que je serai jugé avec impartialité, je sais que je trouverai des médias libres et indépendants. Avec Marine Le Pen présidente je suis loin d’en être certain. L’expérience du pouvoir des amis et modèles de Mme le Pen et de M. Zemmour tel Victor Orban démontre qu’il y a peu de chance que ce soit le cas.
Macron ne nous convient pas, et bien on est en démocratie, on se bat, on mobilise, on invente pour préparer l’alternance, pas sûr qu’on puisse faire la même chose dans un état Lepen qui dirige les forces de l’ordre et l’armée, qui prend le contrôle des médias publics… Pour moi voter c’est choisir, je choisi.
VOTER C’EST CHOISIR, je choisi la démocratie.
Julien Pfeiffer’ova