Tiré des Métamorphoses d’Ovide, le titre choisi pour l’exposition porte le caractère épique de l’œuvre de Frédéric Malette qui, à tout juste quarante ans, est animé d’une immense soif d’exprimer la complexité de l’humanité et de croire en sa force.
Cette volonté se vit par le dessin, mené dans un corps à corps, et commence par la rencontre avec l’Autre. Les portraits se répètent, traits de crayon et traits physiques se concentrent puis se brouillent pour révéler l’essentiel, l’en-dedans. Désir de comprendre l’autre ? Désir de se reconnaître en l’autre ?
La mémoire familiale est mise à contribution. Les récits de sa mère, appuyés par les photographies des ancêtres installés en Algérie puis arrachés à leurs vies, ont servi de point de départ à la série Les bannis (2013). Malette extrait une matière douloureuse longtemps occultée. Fracture, destruction, oubli : le crayon graphite et la gomme restituent tout cela sur le blanc du papier. Le geste tantôt appliqué, tantôt farouche se lit aisément dans ces œuvres de grand format. La corporalité encore.
L’emploi du papier calque sur ses deux faces, second processus majeur chez l’artiste, permet de superposer plusieurs perceptions du même sujet : classique et primale, héroïque et fragile, antérieure et actuelle. Ce support semi-transparent agit comme un voile que l’on redoute à lever mais dont on connaît la teneur : celle de la peur.
Vivant aujourd’hui dans la campagne bretonne, Frédéric Malette s’abreuve de cette nature simple et en ressent chaque jour la puissance. L’impact sur son travail récent est réel : de l’aurore à l’aube, il n’est plus un dessin qui ne puisse naître à l’aune de cet environnement fondateur et universel.
Dans cet engagement, la force de ce corpus de dessin est avant tout celle de l’évasion des sens et de la réflexion dans la possibilité de penser l’unité dans un ensemble, et par là, d’engendrer un nouveau regard par un changement de l’ordre des choses qui se confond avec la faculté de fabriquer, se définissant comme acte poétique. Extrait de « Convoquer son possible », Frédéric Malette, novembre 2017